Réponse à M. Agamben, et à ses amis

Monsieur, Messieurs, Mesdames,

Vous nous informez par l’intermédiaire d’une tribune dans le journal Le Monde signée par 137 personnes qu’un « collectif des 451 professionnels de la chaîne des métiers du livre » se réunit pour parler de leurs problèmes professionnels. Saine réaction, il ne faut pas garder cela pour soi. Même si les 314 personnes qui participent à vos réunions mais n’ont pas signé font encore preuve de timidité.

Je suis heureux de lire des textes sur ces problématiques car elles me touchent assez directement. Je suis auteur ; en tant que rédacteur en chef d’une revue, j’édite des textes ; en tant que bibliothécaire, je les diffuse.

J’ai hélas le malheur d’être aussi assez impliqué dans le monde de l’internet. Tout simplement parce c’est un moyen, sans doute le meilleur actuellement, de diffuser cette qualité que vous réclamez.

Mais n’allons pas trop vite et essayons de reprendre votre propos afin de bien le comprendre. Et ce ne sera pas forcément facile.

Commençons peut-être par la conclusion afin de savoir où nous allons : « Nous lançons donc un appel à tous ceux et toutes celles qui se sentent concernés à se rencontrer, en vue d’échanger sur nos difficultés et nos besoins, nos envies et nos projets ». Donc, en 2012, vous vous rendez compte que le modèle économique du livre évolue et désirez commencer à y réfléchir. Si on fait abstraction du fait que certains non seulement y réfléchissent depuis 20 ans mais ont mis en œuvre des modèles économiques extrêmement efficaces depuis 10, c’est une bonne nouvelle. Discutez donc.

Pourtant, vous posez de vrais problèmes : « La valeur d’un livre devient donc fonction de ses chiffres de vente et non de son contenu ». En dehors d’une légende dorée de la littérature, cela a toujours plus ou moins été le cas, mais ce n’est pas faux. Et on peut en effet le regretter.

Cela demande cependant à être nuancé. D’abord car la qualité demeure un modèle économique. Pas le seul : la médiocrité se vend très bien comme elle s’est toujours vendue. De même que des « produits » ni bons ni mauvais, mais divertissants : pas de mal à cela. La qualité est donc un des modèles économiques de l’édition. Entre les aides du CNL et la présence d’éditeurs extrêmement pointus (dans mon milieu Droz, Jérôme Millon, etc.), il est possible de publier de la qualité, et possible aux éditeurs d’en vivre. Mon dernier livre est une analyse et une édition de la correspondance entre un ministre du XVIIe siècle et son père janséniste retiré du monde. Pas de quoi faire bander un marketeux ni l’agent de Christine Angot. Mais publié. Disponible.

Pour vous, en revanche, visiblement, le numérique s’oppose directement à la qualité, sans qu’on sache trop bien pour quelle raison vous assimilez nouveau support et « déferlement publicitaire, exploitation salariale et diversité du monopole ». Vous pensez qu’il n’y a nulle différence « entre l’écran et la grande surface ».

Ce discours, on nous le ressasse depuis 20 ans désormais dans le monde de la Culture. Je suis jeune il est vrai mais depuis que je suis ado, je n’entends que lui. Vous me permettrez donc de ne pas répondre à pareil discours : faites votre boulot en construisant une bibliographie avant de prendre la parole. Vous me permettrez juste de rappeler que pendant que vous vous plaigniez, certains ont agi et ont créé revues.org, persée, publienet, PLoS. Je ne parle pas de Wikipédia, puisque c’est sans doute, ce que vous appelez du haut de vos méprisantes certitudes « pseudo-démocratisation de la culture, qui continue de se faire par le bas, et se réduit à l’appauvrissement et l’uniformisation des idées et des imaginaires ». Mais il est des centaines d’autres sites qui ont révolutionné en quelques années la diffusion de la connaissance et ont permis, pour certains, de contourner l’arbitraire d’intermédiaires persuadés d’être très importants, pour enfin permettre au plus grand nombre de se cultiver et d’apprendre.

Vous posez assurément de vraies questions et vos valeurs ne sont même peut-être pas toujours si éloignées des miennes. Mais vos réponses laissent à penser que vous n’êtes plus de ce monde. Que vous ne le comprenez plus. Un texte tel que celui-ci fera esquisser un sourire plein de compassion à n’importe quel politique.
Vous restez sur des schémas vieux de 50 ans : la chaîne du livre, dont vous vous réclamez, on ne l’a pas beaucoup entendue quand la loi sur les livres indisponibles a privatisé au profit des éditeurs ce qui aurait pu appartenir à tous, géré pour le seul intérêt commun. Quand osera-t-on publiquement avouer que cela fait (au bas mot) 20 ans que la « chaîne du livre » prétendument solidaire et tournée vers le même but, n’existe plus ? On a seulement entendu protester les bibliothécaires, par l’intermédiaire de l’IABD. Pas étonnant qu’ils ne soient que 4 (dont deux magasiniers et deux collègues que je n’ai jamais eu l’honneur de croiser ni de connaître) à signer votre manifeste flou dans ses idées, confus dans sa mise en œuvre et erroné dans ses conclusions.
À l’inverse, le fait que vos difficultés coïncident avec la montée d’internet fait que vous pensez que l’un est responsable de l’autre… alors même que c’est internet qui permettra de conserver la qualité de la production et le temps de la réflexion, en tant que média libre et non soumis aux impératifs financiers.

Aussi, si votre seul but est de nous rappeler que c’était mieux avant et qu’il faut revenir aux modèles de votre jeunesse ; si vous pensez qu’une action crédible et efficace pour faire évoluer les choses afin de toujours permettre la création et la diffusion du meilleur soit d’appeler dans une tribune du Monde « à se rencontrer, en vue d’échanger sur nos difficultés », je crains que cela soit perdu d’avance.

Mais, en revanche, venez sur Internet un jour. Vous verrez qu’on y invente plein de choses. Que s’y retrouvent certaines de personnes les plus intelligentes et novatrices que je connaisse. Que les idées fusent. Qu’on envisage l’avenir sans naïveté mais avec confiance. La confiance de ceux qui pensent avoir leur rôle à jouer dans l’édification de cet avenir et être capable de faire en sorte qu’y demeurent des îlots dédiés à la connaissance. Et nous, on le fait pour le plaisir et par altruisme, pas pour devenir l’intellectuel à la mode qui vend des livres sur tout. Venez sur Internet, M. Agamben. On a tout ce que vous cherchez. Et, en plus, on a des cookies et des petits chats.

Cette entrée a été publiée le 5 septembre 2012 à 20:56 et est classée dans Uncategorized. Bookmarquez ce permalien. Suivre les commentaires de cet article par RSS.

28 réflexions sur “Réponse à M. Agamben, et à ses amis

  1. Je n’ai qu’une chose à dire : bravo. C’est extrêmement juste et dit avec calme et argumentation. Dommage, vu ce qu’ils ont écrit, il y a peu de chance pour qu’ils viennent ici « en discuter »…

  2. c’est beau 🙂 J’aimerais savoir argumenter comme ça

  3. Félicitations pour cette réponse.
    Je suis lasse comme vous de ces prétendus sauveurs de la cultur qui veulent nous faire revenir aux temps de la plume où seule une élite avait accès à la culture.

  4. Le , En passant a dit:

    Je ne commenterai pas l’ensemble de votre texte, mais simplement ce passage: «Ce discours, on nous le ressasse depuis 20 ans désormais dans le monde de la Culture. […] Vous me permettrez juste de rappeler que pendant que vous vous plaigniez, certains ont agi et ont créé revues.org, persée, publienet, PLoS.»
    N’êtes-vous pas troublé que, depuis 20 ans (disons plutôt 15 ans, le web qui devient actif en France c’est plutôt les années 1995-97), il y ait eu si peu (je dis bien: si peu) de créations de revues ou d’éditeurs de grande qualité sur le web. C’est toujours les mêmes qui sont cités: vous citez quatre structures (et encore, persée et revues.org n’existeraient pas si elles ne s’appuyaient pas sur des revues auparavant lancées en papier), ça ne vous met pas la puce à l’oreille?
    Si internet était un tel eldorado dédié à la création, au talent, à l’intelligence, ne pensez-vous pas que vous (pas simplement vous, que tout le monde) pourrait nous faire des listes gigantesques de noms de structures incroyables qui ont révolutionné l’édition, l’écriture, etc. Quinze ans, c’est long, quand même… Non? Les centaines d’autres sites qui ont profondément changé l’accès à la connaissance, au savoir, vous pourriez nous en donner un petit aperçu? Je suis très souvent sur internet, et je dois dire qu’autant c’est un outil de travail exceptionnel, autant je n’ai toujours pas vécu (je ne dis pas que ça ne pourra pas venir un jour) de choc (je veux dire: de choc au sens de la découverte de quelque chose d’incroyable qui n’existerait pas, et qui ne pourrait pas exister, uniquement sur le papier).
    On vous sent agacé, sans doute à raison, par les petits marquis de l’édition française – mais dans votre beau petit monde, qui s’ébat et s’échauffe sur Twitter, n’y a-t-il pas des jeux d’influence, de pouvoir? Je veux bien que l’appel des 451 soit empreint d’une certaine naïveté, mais votre réponse aussi, non? Défendre internet n’est-il pas aussi naïf que de l’attaquer? Franchement?

    • Le , Mathieu P. a dit:

      De fait, Internet a déjà révolutionné la recherche scientifique. Dans l’ensemble des sciences ainsi qu’en économie, plus personne n’utilise de revue papier. Les revues électroniques, non appuyées sur une revue papier antérieure, sont légion, et dominantes dans certains secteurs comme l’informatique (Berkeley a lancé il y a cinq ans pas moins de dix revues pur électronique, en libre accès).
      La difficulté à dresser des listes en France procède, et c’est l’objet du présent débat, de l’attitude de refus systématique du milieu de la culture et de l’édition, qui considère par principe que toute publication électronique dévalue son contenu et son auteur.

    • Il y a aussi Numeriklivres.com, Storylab, Onlit, Walrus, La Souris qui raconte, Chouetteditions.com… je ne vais pas vous faire toute liste (il y a à ce jour un plus de 70 éditeurs 100% numériques de recenser) mais je pense que vous n’êtes vraiment pas très bien informé de ce qui se fait en ce moment et de la mutation qui est en train de se produire.

      Je soutiens pleinement ce billet tant il est juste dans son analyse. Je vous invite ardemment à lire celui de Thierry Crouzet en écho à ce groupuscule plaintif http://blog.tcrouzet.com/2012/09/07/johannes-trithemius-ou-les-451-croulants/ et à tenter de répondre à la question qu’il pose et dont je connais que trop la réponse : Les acteurs de la chaîne du livre qui s’attaquent au numérique souhaitent-ils défendre le livre ou leur intérêt corporatistes ?

  5. Eh, le fait qu’ils étaient 451 dans le collectif, c’est une manière pour eux de dénoncer qu’on s’apprête à brûler les livres ?

    Si ce n’est pas fait exprès, dommage. Ce serait leur seule action un peu subtile dans toute cette affaire lamentable.

    • Ce qui est plutôt amusant, c’est que le collectif cite un résumé de Bradbury tiré de de… Wikipedia (cf. leur site Internet, premier article, fin de page).

  6. Pingback: Notes d'un économiste

  7. Le , BabyBib5 a dit:

    Merci pour cette réponse si juste et si proche de ce que je pensais en les lisant. Appeler au débat pour ensuite le clore dans des idées si étroites et si peu ouverte sur le monde, c’est déplorable de voir ça…

  8. Bravo Rémi pour cette analyse. Je ne pas sûr que Giorgio Agamben ait joué un rôle clé dans la rédaction du texte, mais quoi qu’il en soit, si veut comprendre ses difficultés à adopter une position plus constructive sur le numérique, je crois que cette revue d’un de ses livres les éclaire :
    http://paigrain.debatpublic.net/?p=126

  9. Le , Aude a dit:

    « Et, en plus, on a des cookies et des petits chats. »
    Cet argument de poids terrasse largement le machin qu’ils ont osé faire paraître dans Le Monde.

  10. Le , charbonnet a dit:

    Nous n’avons, je crois, pas compris la même chose de l’Appel des 451. Il ne s’agit pas de rejeter en bloc ce que permet l’internet et d’autant plus lorsqu’il permet des usages collaboratifs, tels que Wikipedia. Ces éditeurs savent ce qu’est l’usage collaboratif d’internet, notamment parce que certains d’entre eux ont fondé Lekti.net ou Atheles.org. Ce qui est dénoncé ici est un certain usage de l’internet et des technologies numériques, c’est-à-dire les systèmes fermés qui commandent d’acheter tout Amazon ou tout Apple, bourrés de DRM. Autre problème, les pratiques usuelles d’internet doivent être remises en question car si l’on est pas initié à une certaine culture numérique, comment connaître publie.net, par exemple ? Le tout venant est en fait seulement confronté au « déferlement publicitaire » et clique sur la première occurence quand il recherche un livre, c’est-à-dire Amazon. Ici, nous serons d’accord. Je crois que sur ce point, il y a effectivement encore beaucoup de chemin à faire malheureusement car il ne faut pas compter, pour l’instant, sur le numérique pour bouleverser profondément le fonctionnement de la chaîne du livre et la domination que subissent les petits éditeurs. Vous dites que la chaîne du livre a déjà été efficacement pensée, cela signifie-t-il que ce soit la meilleure ? Personnellement, c’est la seule question que je me pose. Sommes-nous dans un système où la diffusion de la diversité des idées est encouragée ? Ce n’est pas sûr…

    • D’accord avec Chardonnet, mais qu’est-ce que cette histoire de croulants,, de chat etc, ce qui se comprends bien s’énonce clairement et sans acrimonie. Juste un truc, quand on est auteur et illustrateur rien ne remplace un bon album bien imprimé

  11. Le , thesfreader a dit:

    N’ayant pas votre aisance, mais de la même opinion, je ne peux qu’abonder…

  12. Bravo.
    Je suis moi-même auteur, blanchi sous le harnois (55 berges, dont 35 au clavier), avec suffisamment de livres publiés professionnellement, de prix et de traductions à l’étranger pour revendiquer le titre sans état d’âmes. Seulement voilà : j’écris dans les genres de l’imaginaire (Science-Fiction et Fantasy en particulier), donc je ne serai jamais un « vrai » auteur suivant les critères culturels dominants.
    Sauf que je sais me servir d’internet et du numérique, c’est en partie mon métier. Et que je peux mettre moi-même mes anciens livres en vente en numérique, sur Amazon et les autres, sans demander quoi que ce soit à mes anciens éditeurs si prompts à s’offusquer de la chose. J’ai même écrit un tutoriel expliquant comment faire et j’organise des ateliers de démonstrations gratuits dans les salons du livre auxquels je participe. Je fais partie de la cohorte innombrable des auteurs qui ont senti que les choses pouvaient bouger à leur avantage, et qui en profitent sans états d »‘âme.
    Bref, le genre d’initiative à la 451 (nom inspiré de Ray Bradbury, auteur éminent de SF) me fait sourire doucement. Parce qu’elle ne sert à rien. Elle n’empêche rien (personne ne nous empêchera d’exploiter internet pour faire circuler nos productions, c’est le fondement même du truc) et ça ne suscite rien (le modèle économique du livre « à l’ancienne » n’a rien à voir avec l’exploitation d’un produit dématérialisé circulant gratuitement ou presque à travers le monde en un temps très court. Donc ils s’agitent, ils papotent pour se faire du vent comme les trois vieux papis de Gotainer, laissons-les faire et retournons coloniser la matrice 🙂
    Merci pour votre article et bonne continuation.

  13. « Et, en plus, on a des cookies et des petits chats. »
    Je suis amoureuse o_O

    Mais je plussoie aussi le reste de votre billet et vous remercie d’avoir pris le temps de répondre à ces vieux croulants : je voulais le faire, mais je me serais énervée !

  14. Le , Stéphanie a dit:

    Pour que ce soit lu par les intéressés, il faudrait jouer sur leur terrain… Pourquoi ne pas envoyer ton texte au Monde, en droit de réponse ?

  15. L’ensemble est vraiment juste, merci.
    Je suis heureux de voir enfin quelqu’un briser à nouveau ce mythe de la chaine du livre. Elle aurait disparu depuis 20 ans ? Mais non ! elle a disparu bien avant, si elle a jamais existé, avec la mise en concurrence de problématiques économiques inconciliables.
    Si on en parle encore, c’est tout bêtement parce que – ô pays jacobin que nous sommes ! – l’État, dans les atavismes bureaucratiques dont il a le secret, a décidé de réunir en une seule administration « les professions qui s’occupent du livre » ! Après la Direction du Livre (qui a largement contribué à répandre cette fable de la « chaine du livre » pour trouver une unité d’existence sinon d’action), pourquoi pas un ministère des boulons ou des ordinateurs ?

  16. Pingback: Johannes Trithemius ou les 451 croulants

  17. Peut-être auraient-ils pu baptiser le groupe Les Illusions Perdues ? Ce qui attriste dans le texte des 451, c’est cette référence craintive à la machine comme mal absolu. Et la confusion induite qui les conduit à écrire des énormités du type : « les médecins segmentent leurs actes pour mieux comptabiliser, les travailleurs sociaux s’épuisent à remplir des grilles d’évaluation, les charpentiers ne peuvent plus planter un clou qui ne soit ordonné par ordinateur, les bergers sont sommés d’équiper leurs brebis de puces électroniques, les mécaniciens obéissent à leur valise informatique, et le cartable électronique dans les collèges, c’est pour tout à l’heure. » Allons allons, tout cela serait donc condamnable en bloc ? Ce n’est pas le cartable électronique qui fait souffrir l’école et ses troupes. Ce n’est pas la traçabilité qui tue les paysans. Ce n’est pas la segmentation des actes qui bousille le système de santé en France. Autre curieuse assertion : « Aussi nous refusons d’emblée le terme de «  livre numérique  » :  un fichier de données informatiques téléchargées sur une tablette ne sera jamais un livre. » Diable diable. Ce sont des professionnels du livre, et ils ignorent, en bloc, qu’avant d’exister comme objet le livre, dans 99 % des cas, existe d’abord comme fichier de données informatiques ? Ces absurdités, à mes yeux, empêchent qu’on prenne un seul instant l’appel au sérieux. Dommage : dans cette belle guerre qu’a toujours été l’édition, on a besoin de tous les soldats. Peut-être pas, cela dit, de ceux qui se tirent dans le pied.

    • Le , Gerald Auclin a dit:

      Cher(e) Ashoma, le fichier informatique qui sert à l’élaboration d’un livre (que ce soit le fichier InDesign ou PDF) n’est PAS un livre. De même qu’un manuscrit ou un dessin original n’est PAS un livre. Un livre est un objet pensé et construit.

      Je ne rentrerai pas dans les détails du débat « le livre électronique est un vrai livre ou non ». Je pense que le texte des 451 est loin d’être inintéressant quoique maladroit dans son énonciation. Les présenter comme des ennemis d’internet, du livre électronique et de la technologie est caricatural.

      Le livre électronique n’est pas un problème en soit. Ca peut même être une bonne chose (je pense aux avantages indéniables qu’a eu le passage du papier au numérique des revues scientifiques).
      Mais on ne peut nier que le livre numérique pose des problèmes.
      Cela pose un problème de diffusion quasi-monopolistique (Amazon, Google, etc.) et de visibilité de la création, de ce qui se fait de nouveau, de surprenant en art, littérature, science, etc. On imagine bien que s’il est aujourd’hui possible de trouver dans les rayons d’une librairie un ouvrage pointu inconnu du lecteur avant qu’il ne le voit physiquement, ce même ouvrage sera quasiment invisible sur internet. On ne trouve pas un livre par hasard sur internet. Il faut en connaître l’existence auparavant.
      Cela pose aussi un problème de conservation du support. Problème qui n’est pas nouveau. Les supports du livre sont de siècles en siècles, et à mesure qu’ils permettent une diffusion plus massive de l’information, de plus en plus fragiles (parchemin, papier chiffon, papier pâte à bois à partir de 1850, chloré dans les années 1920-1930, reliure « coupé-collé » plus récemment, pour ne citer que quelques évolutions technologiques). Le livre numérique n’est pas immatériel. Il existe sur des supports (disques durs, ordinateurs, tablettes, serveurs) à la vie très courte (une dizaine d’année maximum) et à l’obsolescence programmée par les constructeurs. De plus, ces supports consomment une très importante quantité d’énergie et nécessite des « Terres rares » dont l’extraction est très polluante. Ce qui pose un problème écologique indéniable.

  18. Pour moi, vous êtes complètement hors sujet. Le texte ne vise pas particulièrement internet, mais la marchandisation du livre. Il s’oppose à Amazon comme à Leclerc. Ce n’est pas les 451 contre internet mais les 451 pour une pensée collective de la chaine du livre. Ce que vous auriez pu répondre c’est comment d’après vous internet peut jouer ce rôle de catalyseur d’une pensée collective. Mais bon, c’est peut-être moi qui suis hors sujet.

  19. Le , Cosmovision a dit:

    On pourra tourner la chose dans tous les sens, argumenter sur mille et un aspects d’une morale de la chaine du livre venue du fond des temps. Mais je doute que cette morale ait un jour existé en définitive. Par contre, ce qui est avéré, c’est que depuis toujours il y a eu des acteurs tenus par une éthique, et d’autres qui ne s’en embarrassaient pas. En ce qui concerne l’édition numérique, il en va de même. Les plateformes de type Amazon vendent les ouvrages avec drm, et ces drm rendent impossible le partage. Pourtant, moi qui suis lecteur (accessoirement éditeur et animateur de revue numérique), j’ai souvent prêté des livres-papier à des amis, et à ce jour j’en ai toujours le droit. Pourtant ce partage m’est désormais interdit par les acteurs du numérique marchand. De plus, est-il normal que ces derniers, alors même que le support numérique les allège des coûts de fabrication et de diffusion, vendent les fichiers aussi chers, sans se donner la peine de redéfinir la rémunération des auteurs, traités dans cette histoire comme des pigeons à plumer ? On le voit, ces deux points litigieux ( et il y en a bien d’autres) suffisent à démontrer que les grosses entreprises éditoriales établies sur le net se fichent bien de la morale. Néanmoins, simultanément d’autres acteurs évoluent vers d’autres logiques, suivant des processus créatifs spécifiques en général déjà repérables dans l’édition-papier. De bons éditeurs apparaissent : des petites structures exigeantes, innovantes, à la fois fragiles et importantes par leurs apports en textes et en idées. On en revient donc à une situation connue, où l’essentiel reste le choix du lecteur, qui peut, dans le champ numérique ou papier, librement choisir de se faire blouser par le marketing, ou s’autodéterminer,

  20. Le , Sophie a dit:

    « c’est internet qui permettra de conserver la qualité de la production et le temps de la réflexion, en tant que média libre et non soumis aux impératifs financiers. » internet, média libre des impératifs financiers?? c’est beau mais c’est faux. Aussi faux que le doux rêve des 451, d’un livre qui aurait circulé en dehors des logiques marchandes. Autant l’appel des 451 est un fourre-tout qui fait des analogies étranges et invalide ainsi un raisonnement qui est en partie intéressant – certains commentateurs de votre billet essaient de vous l’expliquer – autant votre réponse s’appuie également sur une idéologie partiale, se nourrissant tout autant que les 451 d’idées toutes faites, de raccourcis et de rancoeurs personnelles : « contourner l’arbitraire d’intermédiaires persuadés d’être très importants, pour enfin permettre au plus grand nombre de se cultiver et d’apprendre » – faites-moi rire, vous pensez que rien n’existait avant vous, que vous avez inventé l’accès de tous à la culture et au savoir?? Vous êtes mal renseigné, vous évitez de vous inscrire dans une aspiration qui vous dépasse et dans une histoire plus large que vous, dont vous n’êtes qu’un moment, c’est pratique pour se prétendre malin. Qu’il faille redéfinir cette aspiration vieille comme le monde, c’est évident mais vous semblez penser que personne que vous n’a jamais eu cette aspiration et qu’en dehors du web, point de pensée, point d’innovation, point de bonnes idées ? il y en a dans le web mais aussi autant en dehors, autour, à travers. Ceux qui pensent que mener un projet sur le web est un gage de qualité, de démocratisation et d’innovation se servent du web comme légitimation, il y a de très mauvais projets dans et hors web, comme de très mauvais éditeurs papier ou web. Comme il y a des cons partout.

    Pas très professionnel tout ça. Des gens qui règlent leurs comptes et étalent leurs aigreurs, vous comme eux. Je ne vous remercie pas d’opacifier le débat en mélangeant tout. Ni vous ni les 451 ne facilitent le travail des pros du livre sur le terrain.

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